Le problème de la démocratie libérale n’est pas que l’on y discute : le débat a son utilité. Le problème est que l’on y discute pour ne jamais décider.
Le libéralisme, montre Juan Donoso Cortés, se caractérise au fond par un refus de la décision politique – celle-ci étant perçue comme potentiellement contraire aux droits individuels, ce qu’elle est en effet. Le libéralisme politique se réfugie dans le droit, tantôt « naturel » (les « droits de l’homme »), tantôt positif (les lois qui définissent telle ou telle liberté), pour ne pas avoir à poser de choix proprement politique, qui engage la communauté entière. Le libéral est l’homme qui refuse de trancher. Conservateur par nature, il est l’homme du statu quo.
Mais, de ce fait, il refuse de choisir entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Entre Jésus et Barabbas. Et dans la mesure où les choses laissées à elles-mêmes se corrompent naturellement (contrairement à ce qu’affirme Hayek, selon lequel il existerait un « ordre spontané »), le libéral est objectivement le complice de la subversion qu’il se refuse de combattre. Pilate, le premier des libéraux, l’homme du relativisme (« Qu’est-ce que la vérité ? ») et du laisser-faire (il s’en lave les mains), libère Barabbas, le criminel endurci, et fait condamner Jésus, l’innocence même, l’Amour incarné.
Voilà où mène le libéralisme : à l’anarchie. Il ne peut qu’être dépassé sur sa gauche – hier par le bolchévisme, aujourd’hui par le progressisme woke ou immigrationniste. Parce qu’il est le régime de l’impuissance.
Que proposer face à cela ? La nécessité de décider. Avec Juan Donoso Cortés, il faut rappeler que « les lois sont faites pour les sociétés, et non (…) les sociétés (…) pour les lois », de telle sorte que la poursuite du bien commun prime sur le droit. Avec Carl Schmitt, disciple de Donoso : que la poursuite du bien commun passe nécessairement par la décision souveraine, indiscutable ; or, « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » : c’est lorsque la communauté politique est en danger, lorsqu’elle est menacée par un ennemi – qu’il soit intérieur ou extérieur –, que la souveraineté se manifeste. C’est alors que l’on doit attendre du politique qu’il tranche, sans tolérer la discussion indéfinie ou la contestation, pour la préservation et le bien commun de la société.
Aucun père digne de ce nom, voyant son enfant en danger, ne laisserait ce dernier « libre » sous prétexte que la liberté serait une chose sacrée. Du politique, à qui l’on a confié le soin de la société, on attend qu’il décide lorsque le danger advient.
Faisons le pari que, les communautés étant dotées d’un instinct de survie analogue à celui des individus, nos États européens sauront bientôt trouver les gouvernants qu’il leur faut pour sortir de l’impuissance, et décider, avant qu’il ne soit trop tard.
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