L’Europe est désenchantée : plus de mythes, plus de Dieu, plus de saints. L’Européen est devenu le dernier homme – cet homme qui, sûr de lui-même, pense pouvoir atteindre le paradis par ses propres forces. Il est celui qui ne met plus d’étoile au monde. Qui ne croit plus en rien. « L’opinion qui gouverne [aujourd’hui] l’Europe est installée dans une inintelligence tranquille de la question religieuse » résume Pierre Manent dans Pascal et la proposition chrétienne. Il nous faut être réaliste : ce désenchantement rend pratiquement impossible un retour immédiat des peuples d’Europe au christianisme – sauf miracle, il est vrai, mais nous n’avons pas à compter sur les miracles.
Une restauration de la civilisation chrétienne est sans doute à espérer sur le long terme : car cette civilisation est celle qui, historiquement, a élevé l’homme aux plus hauts sommets ; et nous, chrétiens, devons y travailler d’autant plus activement que la foi au Christ se transmet et se vit bien plus facilement dans une telle civilisation qu’en dehors de celle-ci, que le Christ règne d’autant plus aisément sur les âmes qu’Il règne sur les sociétés. Cependant, nous ne devons pas nous faire d’illusions : l’Europe ne retournera à l’Église et à ses sages préceptes que si les hommes retrouvent massivement la foi. Or, un tel évènement est peu probable. Juan Donoso Cortés confiait à ce sujet : « J’ai vu, j’ai connu beaucoup d’hommes qui, après s’être éloignés de la foi, y sont revenus ; malheureusement je n’ai jamais vu de peuple qui soit revenu à la foi après l’avoir perdue. » (Discours sur la dictature) Ce qui ne doit pas nous conduire à perdre l’espérance surnaturelle, laquelle est précisément cette vertu dont nous avons besoin lorsque toute espérance naturelle est perdue (Romains, 4, 18).
Le rôle du chrétien est, plus que jamais, d’être missionnaire, en paroles et surtout en actes, afin d’aider les personnes qui ne demandent qu’à trouver la foi : les agnostiques en recherche, les païens non hostiles au catholicisme mais rebutés par une version moderniste du catholicisme, les jeunes à l’âme généreuse et plus généralement les hommes de bonne volonté.
Quant au combat politique – ou, si l’on veut, métapolitique –, il doit désormais se fixer pour premier but la restauration de l’ordre naturel dans ses éléments les plus fondamentaux. Ainsi que le rappelle Marcel De Corte dans son Essai sur la fin d’une civilisation, Dieu ne peut sauver les décadents, et encore moins les sociétés décadentes. Certes, la grâce est la seule à pouvoir affermir la nature. Mais, pour affermir la nature, encore faut-il que celle-ci existe. Or, le sacré, le sens religieux de la vie, fait partie de la nature : sans lui, aucune société ne pourra être convertie. Il nous faut donc œuvrer aujourd’hui à la re-sacralisation de ce qu’il y a de plus grand en nous : la tradition, c’est-à-dire nos valeurs historiques, celles qui relèvent de notre culture et de notre civilisation.
Avec pour but l’avènement du règne spirituel du Christ sur les sociétés et sur les âmes.
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