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Photo du rédacteurLouis Furiet

Ne soyons pas des barbares




Quand le nombre l’emporte sur la valeur, la quantité sur la qualité, la matière sur l’esprit, alors vient la barbarie. La barbarie est le contraire de la civilisation, de l’humanitas telle que la comprenaient les Anciens : la dignité de l’homme qui se conduit en homme. Or, ni esprit solitaire, ni animal grégaire, l’homme a pour véritable honneur d’être un héritier. Le barbare, c’est l’homme sourd qui, englué dans la matière, vautré dans la jouissance immédiate, ne connaît aucune transcendance, aucune tradition ; aucun ancêtre, aucune patrie. Et qui, de ce fait, devient une monade parmi d’autres monades. Un atome parmi d’autres atomes. Une bête parmi d’autres bêtes. Un individu dans la masse.


Or, quand un tel barbare apparaît, le Moi, au sens barrésien du terme, la grande personnalité disparaît ; tout idéal aristocratique, noble, s’évanouit. La liberté n’est plus qu’une vaine abstraction. La poésie devient elle-même impossible.


Si nous aspirons encore à quelque grandeur, si nous voulons que notre peuple cesse de courber l’échine, redevienne énergique et droit, il nous faut donc renouer avec l’antique culte de la terre et des morts. C’est-à-dire, au fond, avec ce que nous sommes. « La terre, disait Barrès, nous donne une discipline, et nous sommes le prolongement des ancêtres. Voilà sur quelle réalité nous devons nous fonder. Que serait donc un homme à ses propres yeux, s’il ne représentait que soi-même ? Quand chacun de nous tourne la tête sur son épaule, il voit une suite indéfinie de mystères, dont les âges les plus récents s’appellent la France. Nous sommes le produit d’une collectivité qui parle en nous. »


Si nous aimons notre France et que nous aspirons à son redressement, ce ne sont pas seulement des lois qu’il nous faut voter, mais des hommes qu’il s’agit de refaire. Oui, l’homme est bien à refaire : car il a été défait. Déconstruit. Déraciné. Le jacobinisme s’est attaqué à nos provinces ; la mondialisation, à notre nation ; la massification, à la civilisation. Mais nos provinces ne sont pas mortes : elles survivent encore dans le cœur de ceux qui les chérissent et qui, de Bretagne en Lorraine, perpétuent leurs diverses traditions, notamment religieuses. De même, la nation française vit dans l’âme de ceux qui l’aiment et qui tâchent de transmettre aux nouvelles générations son histoire, ses lettres, ses mœurs ainsi que la foi de nos Pères. Enfin, la civilisation ne mourra pas tant qu’il y aura des hommes debout, fiers de leur héritage, enracinés dans leur terre, le regard tourné vers le Ciel. Tant qu’il y aura de l’idéal.


« Le secret des forts est de se contraindre sans répit » nous rappelle Barrès. La véritable force est en effet dans l’ascèse, le dépassement de soi et l’accueil de la transcendance. En ce temps de carême, éprouvons plus que jamais notre corps, donnons-nous à notre prochain, élevons notre âme vers Dieu : alors, nous pourrons dire que la Reconquête a commencé.

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